Au début était dieu. On travaillait pour lui et aussi pour survivre. Quand on a eu bien bossé on s'est retrouvés avec du temps libre et plein de gens pour nous dire comment l'occuper.
Puis il y a eu Freud qui nous a expliqué que tout ce dont nous avions besoin c'était de sexe, et puis comme nous sommes des gens compliqués de relations sociales pour y arriver.
Les autres activités humaines, arts, sciences, philosophie se sont trouvées reléguées sous le joli nom de sublimation au rang de pâles substituts à l'orgasme.
Aujourd'hui l'épanouissement individuel n'est plus sensé se dérouler en dehors des relations inter-personnelles, le solitaire n'étant qu'un sérial-tueur en puissance, un névrosé mal baisant, le méchant des séries télé.
Or, quelle grande construction intellectuelle n'est pas née dans la solitude ?
Aucune que je sache. La capacité à être seul avec soi-même est une condition indispensable à la connaissance de soi et à une réflexion un peu plus que superficielle sur le monde.
Si l'équilibre d'une personne peut se traduire par sa capacité à entamer des relations sur un pied d'égalité, il a un autre versant, la capacité à la solitude.
La solitude est une malédiction que l'on combat à coup de télévision, drogue douce à l'effet abrutissant, redoutable si consommée sans modération surtout avec de la bière. Toute velléité à s'interroger sur l'existence ou sur soi-même, à avoir une activité créative est efficacement anéantie par des heures quotidiennes devant cet engin.
Pour ceux qui viendraient à avoir des angoisses existentielles hors de chez eux, il y a maintenant le portable qui permet d'emporter partout son groupe d'appartenance avec sa présence rassurante mais aussi ses demandes et sa pression conformiste. Pression qui ne se relâche plus dès lors que le portable n'est jamais éteint, ce qui se passe souvent chez les plus jeunes, les esprits en formation.
Et puis bientôt nous aurons tous le portable 3ème génération, la vidéo partout avec soi avec les commentaires des copains en continu. Le pied. La sphère personnelle complètement envahie, l'esprit totalement réceptif aux messages des puissants : dormez petits moutons, on s'occupe de votre bien-être !